A 7 ans, l’âge où les petites filles jouent à la poupée, Jeanne CHEVALLIER réclame un violon et manifeste un goût certain pour la musique. Au Conservatoire National de Paris, elle obtient très tôt sa première médaille de solfège et à 14 ans, elle entre dans la classe de violon de maître LEFORT.


Là, elle rencontre le très séduisant et brillant violoniste Gaston POULET. Ils se marient en 1912, ils ont 39 ans à deux, et partagent tout de suite une passionnante carrière de violonistes !
Alors qu’ils sont encore élèves, ils sont demandés par Georges RABANI, chef d’orchestre des Concerts ROUGE, pépinière de talents, lieu de prédilection des mélomanes Parisiens.


Ensemble, ils partagent les pupitres des concerts du casino de Deauville, des représentations de l’Arlésienne du théâtre de l’Odéon, de l’orchestre que monte HASSELMANS en 1910, et en 1913 Pierre MONTEUX les engage pour la création du “Sacre du Printemps” monté par NIJINSKI.


Encouragé par Gabriel FAURE, Gaston POULET qui mène une magnifique carrière de soliste international, décide de créer un QUATUOR qui portera son nom.


Il arrive parfois à Jeanne POULET de remplacer le second violon du QUATUOR POULET, c’est ainsi qu’en 1917, elle aura la grande faveur de se rendre avec son mari chez Claude DEBUSSY pour lui interpréter son quatuor en sol mineur, et d’entendre de la bouche du Maître : “Ne changez rien, dorénavant c’est comme cela qu’il devra être joué !"


"Ces deux mesures deviennent admirables sous l'archet de madame J.POULET ! L'auteur lui en garde une affectueuse reconnaissance et l'assure de son respecteux devouement"
                                                                                                          Claude DEBUSSY

Au milieu des années 20, Gaston POULET fonde les CONCERTS POULET et devient Chef d’Orchestre. Jeanne consacre du temps à l’enseignement du violon et elle a plaisir à grouper autour d’elle des musiciens pour faire de la musique d’ensemble.

Le couple se sépare. En 1930, influencé par le critique Emile VUILLERMOZ, Jeanne décide à son tour de prendre la baguette, elle sélectionne 25 “archets”, femmes de talents. Ce sera “l’ORCHESTRE FEMININ DE PARIS” sous la direction de “JANE EVRARD”.

Une véritable révolution dans ce monde musical des années 30

Jane EVRARD est tout de suite considérée comme un chef de file. Emile VUILLERMOZ persiste et signe dans EXELCIOR : “L’initiative prise par Jane EVRARD, excellente violoniste, musicienne accomplie et travailleuse infatigable, est intelligente et raisonnée. Jane EVRARD pose franchement le problème de la main d’œuvre féminine dans la musique d’ensemble. Voici un geste honnête et courageux. ”

“La flamme féminine ! Voilà qui semble en voie de renouveler le monde” proclame Lucie DELARUE MARDRUS dans le Journal du 2/12/30.

“L’Orchestre à la fée” écrit de son côté le journaliste de l’AMI DU PEUPLE.

Jane EVRARD (et son orchestre à cordes) ne se contente pas d’interpréter le répertoire classique traditionnel, elle s’attache à réveiller des œuvres anciennes tombées dans l’oubli, (Gervaise, Blavet, Boismortier, Grétry, Couperin…) et elle ouvre toute grande la porte à ses contemporains. De nombreux compositeurs écrivent des œuvres dont elle donne les premières auditions : Arthur HONEGGER, Jean RIVIER, Georges MIGOT, Joaquim RODRIGO, Maurice JAUBERT, Marguerite ROESGEN CHAMPION, Yvette DESPORTE, Daniel LESUR, Maurice RAVEL…et la plus part des œuvres lui sont dédiées par leurs auteurs, comme la JANIANA de Florent SCHMITT et la SINFONIETTA d’Albert ROUSSEL (bissée à sa création en 1934).

En quelques mois, Jane EVRARD et son ORCHESTRE FEMININ DE PARIS sont devenus célèbres. Les plus grands solistes du moment se joignent à l’ensemble aux grés des partitions. Les principales villes de France les reçoivent, puis se sont des tournées de concerts que l’ont peut qualifier de triomphales, notamment au Portugal et en Espagne. Des foules féminines les attendent dans les gares…les bras chargés de cadeaux ou tout simplement pour “toucher” ces femmes venues d’ailleurs. “C’est bien la France et non nul autre pays qui devait nous envoyer cette ambassade musicale féminine, insinuante et persuasive” écrit ISUBI dans la Gaceta de Bilbao en 1933.

C’est un véritable concert de louanges qui accueille Jane EVRARD dans toutes les villes où elle se produit : Grâce, Energie, Vitalité, Vigueur, Précision, Justesse, Beauté, Tempérament et ces quelques lignes extraites de la tournée en Hollande en 1935 : “Chef d’orchestre née, Jane EVRARD est une artiste de race… l’orchestre féminin est un ensemble absolument “à la page”, et n’a nullement à craindre la concurrence masculine”.

Il arrive également à Jane EVRARD (engagée seule) de diriger des formations à majorité masculine, orchestres saisonniers, régionaux ou nationaux. C’est ainsi qu’elle conduira trois années consécutives à Chaillot, les créations de l’admirable chorégraphe Janine SOLANE, avant de partir pour de longues tournées en province et au Benelux avec “Le Martyre de St Sébastien” de Debussy et “La Pastorale” de Beethoven.

Dotée d’un charisme exceptionnel, Jane EVRARD a marqué son époque. Une vie lumineuse parsemée de rencontres fructueuses de Musiciens, de Comédiens, de Poètes, d’Ecrivains,…de Colette à Sacha Guitry, de Reynaldo Hahn à Isadora Duncan, de Vincent d’Indy à Manuel de Falla, de Jacques Thibaud à Yves Nat, d’Alfred Cortot à Joachim Rodrigo et tant d’autres…et jusqu’à son dernier souffle, Jane EVRARD a été habitée par la Musique.
                                                                          Manuel POULET
                                                                                  Mai 2003


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